La fabrication des bun de Mach Tràng: une activité multi-séculaire à préserver

La commune de Cô Loa, district de Dông Anh, en banlieue de Hanoï, est étroitement liée à la légende du roi An Duong Vuong et de la princesse My Châu. Ce site se distingue également pour un métier traditionnel très original: la fabrication des bun (vermicelles de riz) au village de Mach Tràng.

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Dans un atelier de fabrication des bun à Hanoï.

La route menant audit village est paisible, tranquille à l’instar des autres sites si caractéristiques de la vie rurale au Nord du pays. Il s’agit d’un terrain riche en histoire comportant un certain nombre de sites culturels et touristiques à explorer. Mais, au final, peu connaissent l’endroit comme l'une des capitales septentrionales des vermicelles de riz malgré le fait que ses artisans furent longtemps les fournisseurs des cuisines du roi!

Un produit légendaire

Selon les anciens du village, la naissance de la tradition des vermicelles de riz remonte au règne du roi An Duong Vuong. Ce fut à l’occasion de la préparation d’un banquet royal pour la cérémonie des fiançailles de la princesse My Nuong que, par le plus grand des hasards, le chef fit tomber de la pâte (à base de farine de riz) dans un panier situé au-dessus d’une marmite d’eau en ébullition.

Le résultat fut surprenant et délicieux ! Il fit sauter sa nouvelle création, l’assaisonna avec des oenanthes de Java qui se trouvaient alors dans la cuisine, puis dédia le plat à son souverain An Duong Vuong… Un plat royal iconique venait de naitre, dès lors, chaque année, les bun de Mach Tràng servirent d’offrandes indispensables à la fête du temple de Cô Loa (le 6e jour du 1er mois lunaire) ainsi qu’à celle des fiançailles de la princesse My Châu (le 13e jour du 8e mois lunaire).

Malgré les vicissitudes du temps, les villageois ont su maintenir ce legs culturel. La fabrication des bun se conçoit non seulement comme un moyen de gagner sa vie, mais aussi comme une tradition, voire même comme l'âme du village de Mach Tràng. Pourtant cet héritage est aujourd’hui menacé de disparition par les changements socio-économiques rapides du pays.

Et pour cause, si les outils nécessaires à la fabrication des bun sont préservés comme témoignage de la prospérité et du prestige de la localité, la commune de Cô Loa ne compte aujourd’hui que 5 foyers de producteurs (contre 500 lors de l’époque faste). De la même façon les techniques traditionnelles ont laissé place à des procédés modernes qui ne les ont néanmoins pas totalement éclipsées.

Minutie, patience et habileté

Des vermicelles de riz de Mach Tràng sautés aux oenanthes de Java. 
Photo: Thu Hà/CVN

D’après Bùi Thi Lâm, une artisane en la matière résidant au village de Mach Tràng, Cô Loa, le processus de fabrication de cette spécialité implique une rigueur tout particulière, notamment dans la sélection du riz. Celui-ci doit appartenir au type dit Khang Dân, Bao Thai Hông ou Q5. Après nettoyage et rinçage, le riz devra être laissé à fermenter durant deux ou trois jours. Suite à un second nettoyage à l’eau potable, les grains sont moulus pour former une pâte fine. Divisée pour former de grandes balles, ladite pâte est cuite pendant environ 20-25 minutes. Le tout est pétri à nouveau (afin de garantir l’homogénéité) puis on ajoute un peu d’eau afin d’assouplir le mélange.

Pour finir on fait passer la pâte dans un quart percé de petits trous qui, sous la pression du maitre artisan, donnent la forme finale aux vermicelles. Sans conservateurs, les bun se consomment fraiches (à conserver maximum deux à trois jours).

Le raffinement et la rigueur dans la fabrication font du produit obtenu un gage de saveur pour les plats qu’il compose. Notons d’ailleurs qu’avec un kilo de riz, les habitants d’ici ne peuvent fabriquer que deux kilos de vermicelles, soit 0.5kg de moins que dans d’autres villages. "Les vermicelles de Mach Tràng ont toujours une couleur blanche opaque. Chaque jour, ma famille produit environ 200kg de vermicelles de riz", a fait savoir Dang Thi Vu, une artisane du village.

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La fabrication des bun se conçoit non seulement comme un moyen de gagner la vie, mais aussi comme une tradition, voire même comme l'âme du village de Mach Tràng.
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"Une fois sorties de la cuisine, elles seront distribuées dans les magasins de Hanoï et au marché du village. Sur les marchés, je peux en vendre environ 60-70kg". Dans la chaîne des supérettes Michi Mart, implantées au cœur de Times City (arrondissement de Hai Bà Trung, Hanoï), les consommateurs peuvent facilement trouver les vermicelles de riz de Mach Tràng sur les étagères. Au prix de 15.000 dôngs le kilo, environ 30 kg s’écoule dans une journée.

De la nécessité de la préservation

Devant ce que peuvent représenter les vermicelles de Mach Tràng sur le plan traditionnel ou marchand, les autorités de la commune de Cô Loa ont décidé en 2009 de la mise en place d’un comité de pilotage pour le maintien et le développement de la production des vermicelles de riz. Le plan prévoit notamment de soutenir l’activité via un fond de 140 millions de dôngs (73 millions débloqués par l’État, le reste récoltés auprès des locaux) pour la modernisation des machines en faveur du rendement.

Les bun de Mach Tràng dans une supérette de Michi Mart à Times City, Hanoï.
Photo: Thai Bùi/CVN

Le plus grand défi pour les villageois reste le maintien de la profession. "Je pratique ce métier depuis mes 10 ans. Mais mes enfants ne s’y intéressent pas. Chaque semaine, ma famille ne fabrique qu'un volume suffisant à la vente sur les marchés du village", explique M. Chung, patron d'un atelier.

La solution à cette perte de vitesse a été trouvée par le comité populaire de Dông Anh: promouvoir des bun de Mach Tràng via une marque commerciale. "Outre la modernisation des équipements et du système de traitement des eaux usées, le district entend soutenir les artisans de la commune par un plan de promotion afin de trouver davantage de débouchés et d’améliorer la compétitivité des bun de Mach Tràng", détaille le chef du bureau de l'économie du district de Dông Anh, Nguyên Van Thiêng.

Métier coutumier se transmettant de générations en générations, la sauvegarde de ce savoir-faire unique et irremplaçable n’est pas assurée. Si des dispositions ont été prises, le chemin à parcourir reste long!

Thu Hà Ngô/CVN

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